Mardi 7 mai à 18h15 a eu lieu l’AG et l’AGEPoly.
Après une journée marquée par l’occupation pour la paix en Palestine du hall de SG, l’affluence est telle que la séance n’a pas commencé avant 19h50, le temps de trouver une solution pour pallier au manque de places du CO3: une rediffusion en direct a donc été mise en place en CO2. Au départ, c’est environ 300 étudiant·x·e·s qui se sont réuni·x·e·s en particulier pour discuter du point 6 concernant la prise de position de l’Agep par rapport à celle de l’EPFL sur la situation à Gaza. Mise en contexte et déroulé des débats.
Note de la rédaction : compte tenu de la vitesse de la parole et de la longueur des débats, il n’est jamais possible d’avoir des citations exactes de ce qui s’y est dit. Certains amendements ne figurent pas dans ce résumé déjà trop long. Tous les propos sont rapportés, aucun n’engage l’avis des journalistes.
“Distanciation de la prise de position unilatérale de l’EPFL sur la situation à Gaza”
C’est sous cette forme que le point figurait au PV de l’AG. Présenté par un étudiant de l’AGEPoly, ce point concernait initialement l’absence de mention des victimes palestiniennes depuis l’attaque du 7 Octobre. Sondage aux CERES, rencontre délégué-direction, etc., l’AGEPoly aurait utilisé tous ses leviers pour atteindre la direction.
Depuis la déposition du point, la rencontre délégué-direction a eu lieu, et l’étudiant souhaite d’abord relever ce qui va bien : la direction a quand même (un peu) changé sa position, le dialogue s’est bien passé, et les représentant·x·e·s ont rempli leur mission selon lui.
En effet, jusqu’au 1er mai dernier, la position de la direction s’étalait en ces termes :
L’EPFL condamne avec la plus grande fermeté les attaques terroristes du Hamas contre des civils israéliens ainsi que tout acte contraire au droit international humanitaire. Le président de l’EPFL et la direction de l’École expriment leur compassion envers toute personne affectée par la situation. Elle encourage sa communauté à éviter l’escalade politique, à contribuer à apaiser la situation et promouvoir une solution pacifique. […]
Current initiative, EPFL
Suite à la rencontre délégué-direction, soit 6 mois après l’escalade de violence [ndlr : poser le 7 octobre comme le point de départ du conflit israélo-plaestinien est problématique, puisque cette attaque s’inscrit dans la colonisation des territoires palestiniens qui a commencé même bien avant la Nakba en 1948] des hostilités, on observe un progrès :
L’EPFL condamne avec la plus grande fermeté les attaques terroristes du Hamas contre des civils israéliens ainsi que tout acte contraire au droit international humanitaire. Le président de l’EPFL et la direction de l’École expriment leur compassion envers toute personne affectée par la situation, en particulier au sein des populations israélienne et palestinienne. Elle encourage sa communauté à éviter l’escalade politique, à contribuer à apaiser la situation et promouvoir une solution pacifique. […]
Current initiative, EPFL
Cependant, l’étudiant présentant le point souligne que si la direction les a effectivement entendu·e·x·s, il aurait mieux fallu qu’elle les écoute. Selon lui, la direction décide de tout sans consultation, à huis clos, loin de la collégialité démocratique souhaitée par le corps estudiantin. Il ne peut pas accepter le dernier maillon de cette séquence qui a vu la censure de Polyquity. Il est du pouvoir de l’AGEPoly de s’exprimer sur cette opération expéditive, de refuser qu’un tel précédent puisse avoir lieu.
Ainsi, il amène un premier amendement – accompagné de deux lettre ouvertes, l’une précisant la position de l’AGEPoly, l’autre de soutien à Polyquity – qui est selon lui à la fois le minimum requis compte tenu de la situation gravissime et le maximum espérable dans le cadre juridique des capacités de l’Association représentative des étudiant·e·x·s de l’EPFL :
Plusieurs étudiants ont fait remonter leur malaise vis-à-vis de la position de l’EPFL au sujet de la situation au Proche-Orient. Étant donné le déroulement du conflit, et à l’issue de la MdR [Meeting de la Représentation] qui a porté parmi les questions à poser à la direction, il est apparu pourtant que la position de l’école méritait rectification puisqu’elle ne faisait aucune motion du supplice enduré par le peuple palestinien. Une modification a eu lieu le 1er mai, à nouveau sans associer la représentation étudiante au processus.
Proposition à l’AG
Dans ce contexte, la direction a fait savoir son intention de suspendre l’association Polyquity pendant 6 mois pour avoir organisé un événement jugé partisan à propos du conflit.
Nous proposons en conséquence que l’Agepoly se distancie de la prise de position de l’école et sanctionne la gestion générale par la direction du climat sur le campus en revendiquant la levée des sanctions contre Polyquity dans l’attente d’une réévaluation sincère à travers une lettre ouverte que l’Agepoly diffusera à toutes les associations de l’EPFL.
Dans la discussion qui suit, une déléguée de la section de Physique annonce que les différentes commissions de représentation estudiantine se sont ou vont se positionner sur la censure de Polyquity et souhaiterait que l’AGEPoly apporte aussi sa pierre à l’édifice. Un·x·e étudiant·e·x rappelle que l’association est pour l’instant suspendue durant 10 jours, avant que la direction ne se prononce sur le prolongement de cette suspension. En outre, Polyquity tient à souligner qu’iels ne sont pas les ennemis de l’EPFL et que ce que l’institution leur a fait est proprement violent et injustifié. De plus, la suspension de l’unique association du campus luttant contre les inégalités suscite des inquiétudes parmi les communautés minoritaires qui risquent de ne plus être représentées.
La CCG [Commission de Contrôle Général] annonce qu’elle considère que l’amendement concernant Polyquity sort du cadre prévu pour les amendements, dont le but est de préciser ou reformuler un point, mais pas d’y ajouter du contenu ou de le remplacer, tout en soulignant que ce n’est que leur avis.
On apprend que, depuis la censure de Polyquity, l’AGEPoly parle avec la direction quasiment tous les jours, lui faisant remonter le sentiment d’injustice ressenti par la communauté face à la suspension. Cette dernière a répondu que leur position n’était pas finale. Une réunion entre la direction et Polyquity doit avoir lieu mercredi matin. Quelqu’un de l’AGEPoly avance que le domaine d’action de l’agep est de reconnaître l’utilité de Polyquity, tandis qu’une co-présidente d’Unipoly souligne qu’il serait très fort de voir la plus grande association étudiante de suisse romande soutenir Polyquity.
Suite à une question concernant une “lettre morte” évoquée par la direction dans sa justification, quelqu’un avance un peu près en ces termes que :
La lettre morte est une manière de l’administration de nous faire passer pour des idiots. Kathryn a envoyé un mail la veille, pour un événement connu depuis deux semaines. Ce mail disait de faire attention, n’appelait pas de réponse, a été envoyé à une adresse que Polyquity n’utilise plus. Elle est peut-être morte mais c’est parce que Kathryn l’a tuée dès le début. Par ailleurs, le responsable logistique a tenté d’appeler à plusieurs reprises Médiacom pour leur communiquer le contenu précis de la conférence. Ces appels sont eux restés bien morts. [nldr: nous avons été en mesure de vérifier que le mail ne contenait pas de questions et que plusieurs appels sans réponse avaient été fait auprès de médiacom]
Membre de l’assemblée
Suite à quelques échanges sur la “statuarité” de l’amendement, un membre de l’assemblée avance que toutes les actions de l’EPFL, incluant donc la suspension d’une association suite à un événement abordant le sujet du conflit, font partie de leur prise de position. L’amendement n’est donc pas hors statut. Il ne saurait pas juger si la suspension est justifiée, en revanche, la précipitation de la décision et le reproche de politisation, alors que de nombreux autres événements sont aussi, voire plus, politiques, le choquent.
Un étudiant demande si Polyquity avait prévenu Médiacom que la conférencière allait “nier les viols reconnus par l’ONU” et s’indigne que Polyquity, une association féministe, puisse diffuser un tel message. Il lui sera promptement répondu que cette accusation se fonde sur un extrait injustement sorti de son contexte, la conférencière ayant ajouté qu’elle ne remettait même pas les viols en question. [nldr: la chaine d’information RTS a effectivement publié des propos tronqué de la conférence en coupant au moment où elle ajoute qu’elle ne “remet pas ça [les violences sexuelles du 7 octobres] en question”]
Une motion d’ordre est votée et le premier d’une longue liste d’amendements est accepté à 260 voix sur 331.
Il faut aussi condamner le fait que l’EPFL ait appelé la police pour l’occupation du SG
C’est à peu près la forme du deuxième amendement. On parlera donc de ce qui s’est passé dans le bâtiment SG l’après-midi même.
Une personne informe qu’Amnesty suisse vient de condamner les actions des EPF, rappelant qu’appeler la police devait être un dernier recours. [nldr: Amnesty international suisse à condamné les actions des toutes les universités suisse ayant fait appel aux forces de l’ordre et n’ayant pas respecté le droit de manifester] La personne ajoute toutefois qu’il ne s’agit peut-être pas de l’acte le plus grave commis par l’école étant donné que la sécurité a bloqué les issues de secours et empêché certain·e·x·s étudiant·e·x·s d’accéder à leur salle de cours.
Un délégué qui est allé voir ce qui se passait a été particulièrement choqué par le dispositif de sécurité extrêmement effrayant. Il était clair que le service de la sécurité prenait des décisions avec une liberté totale. La direction a décidé d’évacuer le bâtiment à 17h30. Les manifestants sont partis comme ils sont venus, pacifiquement.
Nouvelle motion d’ordre. L’amendement est accepté.
Distanciation de la prise de position sur la situation à Gaza
Le mot “unilatéral”, qui qualifie la “prise de position” dans le point original, dérange l’étudiant prenant la parole alors que nombre de cartons oranges s’élèvent déjà pour réclamer une motion d’ordre. Selon lui, le communiqué ne serait en fait pas si unilatéral que cela, puisque celui-ci dénonce les infractions du “droit international” ce qui s’applique aussi bien pour le camp Palestinien qu’Israélien. Il insiste que le mot “unilatéral” force la vision, alors que cette dernière devrait être plus nuancée.
On lui répond que le terme ne devrait pas poser problème s’il est bien expliqué et qu’il est important de rappeler que lorsque l’on parle d’Israël, on ne parle que du gouvernement de Netanyahu et non de la population, au même titre que l’on ne désigne pas l’ensemble de la population palestinienne lorsque l’on parle du Hamas…
Un des étudiant·x·e·s qui a proposé le point 6 précise aussi que le mot “unilatéral” est en fait plus lié à la manière qu’a eu l’EPFL de prendre position, c’est-à-dire sans écouter ni entendre les étudiant·x·e·s, plutôt que la position en tant que telle.
La motion d’ordre débutée dès le début de l’intervention aboutit et l’amendement est refusé.
L’AGEPoly se distancie de la prise de position de l’EPFL et condamne la dérive autoritaire de la direction ces derniers jours/semaines. L’AGEPoly dénonce les actions de la direction de l’EPFL et demande le respect de l’égalité et de la liberté d’expression sur la campus.
Quelqu’un.e.x avance que, sachant que l’EPFL a aussi censuré les événements organisés par l’association Shalom [nldr: contacté, l’association témoignage ne pas avoir pu organiser deux événements. L’un car l’administration demandait une réunion pour définir le format mais que celle-ci n’a pas pu avoir lieu faut de temps et suite au peu de disponibilité de la direction avec les événements récents et l’autre car la demande d’événement est arrivée trop tard], iel se demande comment peut-on condamner une dérive autoritaire, et avancer que lorsque l’EPFL évacue le hall de SG occupé illégalement, c’est respecter le droit.
Un autre ajoute qu’il est d’accord de se distancier de l’EPFL, mais que certains amendements vont trop loin, notamment celui-ci, puisque la qualification d’”autoritaire” n’est pas appropriée, sachant que des associations comme l’aumônerie ont pu organiser des événements. Il condamne ce qui se passe à Gaza, condamne l’État Israëlien, mais, alors que ce dernier n’est plus soutenu que par 20% de la population israélienne, le boycotter ce serait pour lui incriminer toute une population qu’on ne peut pas amalgamer de la sorte. [nldr: les sondages étaient à 32% au 26 mars*]
D’autres rétorquent que l’amendement fait sens, puisque cette manière qu’a l’EPFL de choisir qui a le droit de parler, qui a le droit d’organiser des événements et sur quoi, est précisément autoritaire. Une personne ajoute qu’on a l’impression que la direction prend TOUTES les plus mauvaises décisions à la suite. Nouvelle motion d’ordre, l’amendement est finalement accepté.
Autres amendements
Un amendement propose une nouvelle reformulation : “Distanciation de la position déséquilibrée de l’EPFL par rapport à la situation à Gaza”. L’argumentaire est à peu près le même que celui pour la suppression du mot “unilatéral”. Il est refusé à 107 voix sur 214.
“Les amendements acceptés au sujet de Polyquity, de l’occupation du SG, (et autres points si ça pop) sont présentés et votés dans AGE [AG Extraordinaire] que le CDD convoquera dans les délais statutaires.”
Ici, l’étudiant souhaiterait déplacer la votation du point 6 qui s’éloigne trop de son énoncé original, pour ne pas créer une “jurisprudence” permettant de modifier tout point dans une mesure non limitée, ce qui induirait une capacité de mettre des éléments à l’ordre du jour sans qu’ils y soient annoncés. Une motion d’ordre est votée et l’amendement refusé.
“L’intégralité des communiquées et/ou lettres ouvertes décidées par l’AG seront postées sur le compte instagram de L’AGEPoly au moment de leur diffusion en tant que post (et pas en tant que story). Ce post ne sera pas supprimé.”
Amendement
Certain·x·e·s, apparemment soucieu·x·euses de prémâcher le travail de médiacom, avancent qu’il ne serait pas très constructif pour l’image de l’école de publier un conflit sur les réseaux sociaux, alors que d’autres pensent qu’écrire des lettres ouvertes et ne les envoyer à personne ne sert à rien. Motion d’ordre. Amendement accepté à deux voix près.
Un dernier amendement proposant des communiqués prenant compte des amendements acceptés est proposé. Ce dernier est voté.
Vient ensuite le vote des amendements. Il est 0h21, c’est interminable. Le dernier amendement est retenu et le point n°6 accepté.
Tonnerre d’applaudissements dans l’auditoire. Un Viva Viva Palestina retentit dans toute l’assemblée…
Fin de l’AG
Après l’acceptation du point 6, une grande partie des étudiant·e·x·s quittent l’auditoire. S’ensuit un bref débat pour savoir si on veut reporter le reste de l’AG qui pourrait encore se prolonger jusqu’à 5h du matin selon les estimations. Finalement, le vote reportant le reste des points de l’AG, dont notamment l’élection du nouveau comité, est accepté à la majorité absolue. On est libre de rentrer chez soi et d’enfin dormir.
- *https://www.al-monitor.com/originals/2024/03/inside-israel-netanyahus-poll-numbers-improving-despite-us-rupture