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Campus Palestine Reportage

Occupation “illégale” de l’EPFL pour la Palestine

Mardi 7 mai, de 11h45 à 18h, un collectif d’étudiant⸱x⸱e⸱s a occupé le hall du SG. Entre négociations avec la direction, verrouillage du bâtiment par des securitas et arrivée des flics, compte rendu chronologique de l’occupation.

Investiture du hall SG

À 11h45, une vingtaine de personnes investissent le hall du bâtiment SG. Ils apportent avec eux des enceintes, un micro, de la nourriture et des revendications qui seront amendées et votées lors de l’AG de l’occupation. Certains médias, prévenus en amont, sont déjà présents.
Des chants commencent: “Viva Viva Palestine”, “Free Free Palestina”, “Israël Criminel, EPFL Complice”.


Deux personnes prennent la parole à tour de rôle, en français puis en anglais, afin d’annoncer qu’une occupation pacifiste va débuter pour dénoncer le positionnement de l’EPFL sur la tragédie en cours à Gaza.
En même temps, des étudiant⸱x⸱e⸱s s’affairent à transformer le lieu au moyen de tentes et de poufs, gradins et canapés. Le début de l’occupation est alors communiqué sur Télégram et de plus en plus d’étudiant⸱x⸱e⸱s rejoignent le hall. On apprend que l’EPFL a aussi été informée de l’occupation, cependant la direction ne semble pas donner signe de vie.

Blocage du bâtiment

À 12h15, des securitas commencent à bloquer les entrées du bâtiment. D’abord l’ouverture principale, puis le restaurant et les accès aux balcons. De l’intérieur, on entend l’angoissant tintement des chaînes qui verrouillent les portes.

Alors que les employé⸱x⸱e⸱s de l’école tentent de fermer les portes du dernier étage, des étudiant⸱x⸱e⸱s s’asseyent spontanément entre les deux battants et refusent de bouger.

Les securitas ne peuvent alors rien faire et décident de se rester poster là, empêchant les étudiant⸱x⸱e⸱s qui souhaitent rejoindre la manifestation d’entrer. Plus tard, après un rappel à l’ordre d’une autre équipe de sécurité de l’EPFL, il laissera un moment les détenteur⸱x⸱ices de camipro coincés à l’intérieur du bâtiment AAC de se déplacer au compte-goûte entre le SG et le AAC.

Plus tard, un enseignant d’architecture entrera en interaction avec la sécurité pour le laisser rentrer voir la mobilisation, une fois dedans il forcera une porte jusqu’à ce que la vitre en soit brisée, alors que les occupant⸱x⸱e⸱s condamnent cette action pour se distancier du dégat matériel. À cause de ces blocages (et non des occupant⸱x⸱e⸱s), certain⸱x⸱e⸱s étudiant⸱x⸱e⸱s sont enfermé⸱x⸱e⸱s dans des salles, d’autres ne peuvent pas se rendre en cours. Certain·x·e·s ne purent apparement pas assister à un examen.

AG

À 13h45, une première AG a lieu. Tous les étudiant⸱x⸱e⸱s ont une voix et chacun⸱x⸱e⸱s peut s’exprimer. Les revendications déjà travaillées qui semblent venir du mouvement des académiciens pour le boycott académique, initié en 2004​*​ sous le nom de PACBI​†​, sont présentées sur des flyers et soumises aux modifications de l’assemblée. Le mouvement réclame donc :

  • Le boycott académique institutionnel de l’EPFL, à tous les niveaux
  • L’arrêt de la censure et de l’omerta à l’EPFL, la fin de la suspension de Polyquity et la création d’une association culturelle palestinienne.
  • Un soutien aux victimes de l’occupation coloniale comme il a pu être fait avec la communauté ukrainienne, à juste titre : “La guerre ne s’arrête pas aux frontières”

On parle des groupes de travail, on fait des comparaisons avec l’UNIL, on choisit de les créer plus tard une fois qu’on saura comment l’EPFL se positionne sur l’occupation. On choisit un contact police. Des infos sont données sur les occupations dans toute la Suisse.
On apprend que simultanément, l’université de Genève et l’ETH ont été occupées. Un groupe se forme pour mettre les revendications à jour.

Négociations avec la direction

À 13h20, des personnes qui occupent l’UNIL depuis jeudi apportent leur soutien à cette occupation, puis à 13h30, une journaliste du Courrier prend la parole pour annoncer que son collègue s’est fait “entourlouper” par les securitas et demande à l’EPFL de respecter le travail des journalistes. 

À 14h00, une personne est chargée de la communication avec les médias et trois personnes sont élues pour aller négocier avec la direction pour leur demander de venir dans le hall où les occupant⸱x⸱e⸱s ont disposé une table et promis de se tenir à distance et de ne pas huer ou applaudir. 

Vers 14h30, l’EPFL refuse le format de négociation et propose un entretien à huis clos. Une discussion sur cet entretien prend place. Pour les occupant⸱x⸱e⸱s, la proposition de la direction est anti-démocratique et contraire à la nature horizontale du mouvement. Il est souligné que la direction n’a en outre pas le droit de bloquer les sorties de secours, car cela met en danger les occupant⸱x⸱e⸱s. 

La délégation revient à 14h51 pour annoncer les conditions de Kathryn Hess Bellwald pour la tenue d’une discussion dans le hall : elle n’accepte que si tous les occupant⸱x⸱e⸱s sont de l’EPFL et exige que les médias ne soient pas présents. Pour en être assurée, elle propose que tout le monde sorte puis re-rentre en présentant sa camipro. Si les occupant⸱x⸱e⸱s acceptent, alors la direction ordonnera le décandenaçage des portes. 

Outre le fait qu’il n’y a aucune garantie ni que la direction laisse effectivement les étudiant⸱x⸱e⸱s regagner le hall après l’avoir quitté, ni qu’il n’y ait pas de prise d’identitée des étudiant⸱x⸱e⸱s en vue d’éventuelles sanctions, tout le monde reconnaît que l’occupation de l’EPFL, qui est un organe de la confédération, ne concerne pas seulement les membres de sa “communauté” et qu’il est donc injuste de vouloir en exclure les quelques individus qui ne disposent pas d’une camipro. 

Les occupant⸱x⸱e⸱s se questionnent sur la possibilité de faire un enregistrement audio de l’entretien ou alors un PV commun signé par les deux parties. 

À 15h21, l’EPFL n’accepte pas les propositions de l’assemblée et refuse de revenir sur leurs conditions. De plus, elle annonce qu’aucune personne ne dormira dans le bâtiment et qu’elle appellera la police pour nous faire partir si le bâtiment est toujours occupé à 17h30. L’assemblée n’a globalement pas envie de se faire évacuer par la police et demande un papier signé garantissant l’absence de sanctions académiques et l’accès de tout le monde à la discussion avec la direction. 

À 15h47, l’EPFL propose une discussion au forum Rolex le lendemain à 19h, assure qu’il n’y aura pas de sanctions académiques, mais maintient sa demande de vérification des camipros. Les occupant⸱x⸱e⸱s réitèrent leur exigence de liberté d’accès à l’hypothétique conférence ainsi qu’au hall SG et sont d’accord pour l’idée de la discussion au Rolex sans médias.


À 17h, on apprend que l’ETH risque de poursuivre 27 des personnes qui ont été brutalement évacuées par la police.


À 17h06, la délégation revient pour annoncer que la direction campe sur ses positions. De plus, on apprend que si la discussion au Rolex a lieu, elle comportera deux représentant⸱x⸱es de l’occupation, deux de la direction, un⸱x⸱e de l’AGEPoly et un⸱x⸱e de Shalom (l’association des étudiant⸱x⸱e⸱s israëlien⸱x⸱ne⸱s récemment crée). Un court débat a lieu pour savoir si les occupant⸱x⸱e⸱s doivent accepter la proposition. D’une part, il est souligné que l’événement ne serait plus qu’un débat Israël-Palestine à la place d’une négociation sur les revendications du collectif. De plus que, quelque soit l’opinion du représentant⸱x·e de l’association israélienne, cela reviendrait à accepter un débat qui mette sur une même estrade un·x·e représentant·x·e israélien·x·ne et des voix pro-palestinienne. Ceci constiturait un événement de normalisation​‡​ tel que condamné par le mouvement de boycott palestinien BDS​§​ (Boycott, Disinvest, Sanction) et serait donc à l’encontre des revendications votées par le collectif. L’événement de normalisation est donc refusé, les étudiant⸱x⸱e⸱s y préfèrent le format initialement proposé: une discussion à huit-clos.

Pression de la police

Vers 17h12, alors que la délégation négocie avec la direction, les étudiant⸱x⸱e⸱s apprennent par les médias que la police arrive pour les faire évacuer. La direction n’a pas jugé opportun de prévenir le responsable police. Un point anti-répression est rapidement fait.
Les discussions avec la direction capotent et les étudiant⸱x⸱e⸱s finissent par se mettre d’accord pour la discussion en huis clos avec la direction suivie d’une conférence de presse le lendemain à 18h.


Vers 17h30, les étudiant⸱x⸱e⸱s obtiennent un sursis pour ranger leurs affaires et décrocher les drapeaux et slogans. Ceux qui restent s’asseyent et cercle au milieu du hall évidé pour entonner des chants. Vers 17h45, les étudiant⸱x⸱e⸱s quittent le hall.

Dehors depuis un moment, de nombreux étudiant⸱x⸱es interdits de rejoindre la mobilisation tappent sur les vitres au rythme du slogan: “Nous sommes tous des enfants de Gaza”… C’est avec ce son parfaitement synchrone que les étudiant⸱x⸱e⸱s montent les escaliers pour atteindre la sortie.


  1. ​*​
    https://bdsmovement.net/pacbi/academic-boycott-guidelines
  2. ​†​
    Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel
  3. ​‡​
    La normalisation consiste à traiter ou à présenter quelque chose d’intrinsèquement anormal, comme l’oppression et l’injustice, comme s’il s’agissait de quelque chose de normal. La normalisation avec/de Israël est donc l’idée de faire passer l’occupation, l’apartheid et le colonialisme de peuplement pour normaux et d’établir des relations normales avec le régime israélien au lieu de soutenir la lutte menée par le peuple autochtone palestinien pour mettre fin aux conditions et aux structures anormales d’oppression. Un principe clé qui sous-tend le travail de lutte contre la normalisation est qu’il s’agit d’une tactique entièrement basée sur des considérations éthiques et politiques qui sont en parfaite harmonie avec le rejet par le mouvement BDS de toutes les formes de racisme et de discrimination raciale. La lutte contre la normalisation est un moyen de résister à l’oppression, à ses mécanismes et à ses structures. https://bdsmovement.net/news/bds-movement-anti-normalization-guidelines
  4. ​§​
    https://bdsmovement.net/

Par Comité de rédaction du Canard Huppé

Le comité de rédaction du Canard Huppé gère et rédige régulièrement des articles dans le journal. Il édite une journal papier disponible sur le campus universitaire ainsi que le journal en ligne. Enfin il encadre le travail des étudiant·es qui souhaitent écrire dans notre journal afin de donner conseils et faciliter la tâche. Ce comité est complètement indépendant du comité de direction de l'association.

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