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Billet Campus Politiques

Luttes universitaires lausannoises contre la dégradation des conditions d’études.

UNIL, années 1990. 

Le Canton instaure son plan Orchidée II visant à réaliser 230 millions de francs d’économies dans le service public. Coupes budgétaires s’ensuivent, les conséquences s’avèrent désastreuses pour l’UNIL. Les prix des repas augmentent de 4.50 à 6.50 CHF en l’espace d’un an, les conditions d’études se dégradent, le taux d’encadrement baisse continuellement, conduisant à un sous-effectif d’enseignant·xes par rapport au nombre d’étudiant·xes notamment en Lettres et en SSP. 

Nombreux·ses sont les étudiant·xes qui, directement impacté·xes, s’organisent pour lutter contre la dégradation de leurs conditions d’études. En 1993 plusieurs manifestations se succèdent. Un matin de 1995, des étudiant·xes s’organisent et bloquent la ligne du M1 par des barricades. En 1996, des étudiant·xes occupent le bâtiment Anthropole pendant 3 jours et 3 nuits, la CAP (Cafétéria Autogérée Provisoire) assurant les repas. En avril 1997, ce sont plus de 800 étudiant·xes qui se rassemblent en Assemblée Générale et votent ensemble la grève. Le lundi suivant des piquets de grève se tiennent aux principales entrées du campus, l’Anthropole est presque entièrement bloqué. Chaque jour, de nouvelles Assemblées Générales se tiennent durant lesquelles est votée la reconduction de la grève. Les revendications sont les suivantes : l’arrêt des plans d’austérité à l’UNIL et plus généralement dans le secteur public et parapublic et la création de nouveaux postes d’encadrement, la création de chaires d’enseignement d’économie alternative et d’études féministes pour favoriser un pluralisme des savoirs. Quelques années plus tard, des projets comme la hausse des taxes d’inscription sont enterrés et des moyens supplémentaires sont alloués à l’UNIL… Les grèves étudiantes auraient-elles porté leurs fruits ?(​Avril 97, l’UNIL se révolte​ [sans date]; Des études, mais à quel prix ? [sans date])

EPFL, 2008-2016. 

A l’EPFL aussi, dans un terrain déjà conquis par le néolibéralisme, les étudiant·xes continuent à faire face à des attaques constantes. Economiesuisse, organisation patronale, représentante d’une des tendances les plus déchaînées du camp bourgeois et fervente défenseuse du dogme néolibéral, propose par exemple en 2008 une augmentation des taxes d’études à 5’000.- par an au bachelor et 10’000.- au master​(Temps [sans date])​. La mesure est double : la marchandisation de l’université, et s’assurer, face à la sélection grandissante due au nombre croissant d’étudiant·xes se dirigeant vers l’enseignement supérieur, que les heureux·ses élu·xes appartiennent déjà à une classe sociale privilégiée ou soient prêt·xes à s’endetter. Ces politiques de restriction d’accès aux études supérieures ne se cantonnent pas à des communiqués de presse d’Economiesuisse mais se traduisent, malheureusement, par de nombreuses tentatives de la direction d’augmenter les taxes annuelles. Celles-ci sont loins d’être abordables (1’100.- CHF en 2002, 1’160.- en 2004, 1’320 en 2019 pour atteindre 1’460.- CHF depuis 2020, en rajoutant à cela bien sûr 50.- CHF de cotisation à l’Agepoly et 32.- et 18.- CHF, respectivement au centre sportif et à l’aide sociale pour les étudiant·xes les plus ”méritant·xes”). 

Le plus grave à toutefois été évité. Alors comment ? Malgré le peu de marge de manœuvre et la précarité, limitant considérablement la résistance collective, différentes ripostes s’organisent contre les tentatives d’augmentation. Alors qu’en 2012, la direction se met en tête de doubler la taxe d’étude(​Archive Web EPFL: Communiqué de presse​ [sans date]), un comité de lutte se crée : le MOCAT (Mouvement Contre l’Augmentation des Taxes d’études). Différentes actions, dont un sit-in devant le Rolex, réunissent  plus de 300 étudiant·xes(​Ils étaient 300 à contester la hausse des taxes d’études​ [sans date]). Le Canton finit alors par prendre position contre la proposition de la direction. L’affaire aurait pu s’arrêter là mais c’est sans compter sur l’acharnement de la direction(​Le canton de Vaud s’oppose à la hausse prévue​ [sans date]). Quatres années plus tard, l’EPFL revient à la charge(​L’EPFL veut doubler ses frais d’études dès 2017​ [sans date]). Cette fois-ci, la résistance se structure autour d’organisations de défense des intérêts étudiants tels que le syndicat SUD-étudiant·xes et précaires (Sud-ep)(​YouTube Video​ [sans date]) et le Parti Ouvrier Populaire (POP). Face à la mobilisation, le conseil des EPF proposera une augmentation de 500.- CHF. L’Agepoly prendra alors un an pour prendre position contre le projet… L’alliance inattendue rouge-noir-bleu ne débouchera malheureusement pas sur l’abandon du plan mais obtiendra la diminution de 100.- CHF de l’augmentation et l’EPFL proposera de subventionner les repas à un prix inférieur à 8.- CHF. De quoi mieux faire passer la pilule, sauf que cette dernière mesure ne se sera jamais faite… Cependant, cette victoire permettra tout de même d’éviter un doublement désastreux de la taxe d’étude dans un milieu déjà ravagé par l’idéologie néolibérale.

Quel enseignement supérieur souhaitons-nous ? 

Les restrictions budgétaires, la hausse des taxes d’études conjointement à une politique néolibérale de gestion de l’enseignement supérieur participent à exacerber les inégalités sociales. Les attaques du camp bourgeois à l’encontre de l’enseignement supérieur sont loin de cesser et s’aggravent en Suisse comme à travers le monde​*​. Face à cela, il est crucial de s’organiser pour revendiquer la nécessité d’investissements publics dans l’enseignement supérieur, et de repenser le contenu de nos enseignements pour que le plus grand nombre puisse avoir accès à une éducation critique et émancipatrice. En parallèle, une augmentation des aides sociales pour permettre à chacun·xe d’étudier est cruciale, tout comme les revendications de syndicats tels que  Sud-ep pour la mise en place d’un revenu d’existence pour couvrir les besoins des étudiant·xes, afin d’oeuvrer à une réelle démocratisation du savoir. Le camp bourgeois voit l’enseignement supérieur non pas comme un service public auquel tout·xes auraient droit, mais comme une véritable entreprise gérée selon les lois du new public management et réservée à une élite, visant à produire des cerveaux adaptés aux besoins du marché. Contre cette destruction incessante de l’enseignement supérieur, et à la suite des mobilisations étudiantes des années 1990 à l’UNIL ou celles des années 2010 à l’EPFL, continuons à lutter pour un enseignement libre, critique et émancipateur(​Sommes​ [sans date]).


Syndique-toi et rejoinds un collectif militant !

SUD-EP
Syndicat Étudiant-e-s et Précaires
sud-ep.ch

Unipoly
Association pour une écologie solidaire
unipoly.ch

On a les crocs
Mouvement étudiant à l’UNIL
instagram.com/on_a_les_crocs/


  1. ​*​
    Pour plus d’article sur la destruction de l’enseignement supérieur et les mobilisations étudiantes à l’échelle internationale, consulter sur Contretemps le dossier “l’Université saisie par le néolibéralisme, entre marchandisation et résistances” (https://www.contretemps.eu/universite-capitalisme-marchandisation-resistances/)
  1. Archive Web EPFL: Communiqué de presse, [sans date]. . [https://web.archive.org/web/20240110122730/https://archiveweb.epfl.ch/actualites.epfl.ch/pdf/2f6a53bb1b53b3eaed498bb0d034ca77e1a65e2e22451b2fe25d11c6.pdf].
    Consulté en le 12 février 2024
  2. Avril 97, l’UNIL se révolte, [sans date]. . [https://lauditoire.ch/2022/03/30/avril-97-lunil-se-revolte/].
    Consulté en le 12 février 2024
  3. Des études, mais à quel prix ?, [sans date]. . [https://lauditoire.ch/2022/03/31/des-etudes-mais-a-quel-prix/].
    Consulté en le 12 février 2024
  4. Ils étaient 300 à contester la hausse des taxes d’études, [sans date]. . [https://web.archive.org/web/20240110122925/https://www.24heures.ch/ils-etaient-300-a-contester-la-hausse-des-taxes-d-etudes-482351675840].
    Consulté en le 12 février 2024
  5. Le canton de Vaud s’oppose à la hausse prévue, [sans date]. . [https://web.archive.org/web/20240110123022/https://www.20min.ch/fr/story/le-canton-de-vaud-s-oppose-a-la-hausse-prevue-903599118540].
    Consulté en le 12 février 2024
  6. L’EPFL veut doubler ses frais d’études dès 2017, [sans date]. . [https://web.archive.org/web/20220927214511/https://www.24heures.ch/l-epfl-veut-doubler-ses-frais-d-etudes-des-2017-945945985593].
    Consulté en le 12 février 2024
  7. Sommes, [sans date]. . [https://www.sud-ep.ch/sommes/].
    Consulté en le 12 février 2024
  8. TEMPS, Le, [sans date]. L’économie veut taxes d’études au mérite. [https://www.letemps.ch/suisse/leconomie-veut-taxes-detudes-merite].
    Consulté en le 12 février 2024
  9. YouTube Video, [sans date]. . [https://www.youtube.com/watch?v=jBuMcnha65M].
    Consulté en le 12 février 2024

Source Image : Club de Bridge. Illustration pour la journal papier.

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