Catégories
Reportage Société

Dans une semaine, la Ville de Lausanne met les 80 Roms de la Borde 47 à la rue

Samedi 24 février, quelque 300 manifestant·es se sont retrouvé·es à la Place du 14 juin pour s’opposer à l’expulsion des 80 Roms habitant la Borde 47, prévue le 1er mars. Malgré les promesses de renforcer le dispositif d’hébergement d’urgence et de sortir de la logique saisonnière, les habitant·xes de la Borde risquent de se retrouver à la rue.

“J’ai froid”, “J’ai besoin d’un toit pour mes enfants”… En tête de cortège, des enfants et des adultes Roms avancent d’un pas déterminé en tenant de multiples banderoles et pancartes témoignant de la nécessité de la suspension de l’expulsion prévue 6 jours plus tard. “6, 5, 4, 3, 2, 1, et 1000 nuits de plus”. Ce slogan est scandé avec les centaines de personnes qui se sont jointes aux Roms qui revendiquent leur droit de continuer à vivre à la Borde 47.

Ce bâtiment qui était autrefois mis à disposition par la Ville est actuellement occupé par des Roms qui n’ont eu d’autre choix que de le squatter pour ne pas se retrouver à la rue. Les personnes qui y vivent sont pour la grande majorité des familles avec des enfants scolarisés, certains adultes occupant des emplois précaires, illégaux, fatigants et leur rapportant peu.

Un autre slogan figurant sur les pancartes et les banderoles, nous appelle à “faire connaissance avec les familles roms de Lausanne”. A Lausanne, les Roms font partie de la population la plus stigmatisée victime de racisme. On entend cependant très peu parler de leur situation alors qu’iels sont sous attaques quasi-constantes. Par exemple lorsque le canton interdit en 2018 le seul moyen de survivre pour certain·xes d’entre elleux: la mendicité. Et même quand condamné par la Cours Européenne des Droits de l’Homme sur cette pratique, les attaques ne cessent pas puisque la loi est toujours en vigueur.

On ne s’étonne donc pas du traitement qu’iels subissent de la part de la municipalité qui ne prévoit pas de solution de relogement après l’expulsion qui entraînera sans aucun doute la déscolarisation des enfants habitant la Borde. Un membre des Jeunes POP, organisateur de la manifestation du 24 février, affirme dans un article du Courrier:

La municipalité a le choix entre retarder un chantier ou briser des vies et déscolariser des enfants, et ce qui lui fait le plus peur c’est le retard du chantier. C’est hallucinant ! Les structures d’hébergement d’urgence de la Ville sont déjà quasiment saturées, et la plupart des habitant·es sont inéligibles pour obtenir des logements subventionnés à Lausanne, ces gens ils vont finir à la rue, cela ne fait aucun doute.” 

Selver Kabacalman, “Un avenir incertain pour 80 Roms”, Le Courrier. 18 février 2024

Les manifestant·xes scandent: “Qui nous a trahi? La Ville, Moeschler et son parti!”. Le département en charge des questions de sans-abrisme, qui a à sa tête la socialiste Emilie Moeschler, avait prévenu les habitant·xes de la Borde dès leur arrivée qu’iels devraient partir au 1er mars. La Ville se déresponsabilise et fait reposer la charge de trouver une alternative de logement​1​ sur ces familles qui devront se confronter au dispositif d’urgence déjà saturé. Un mois avant le début du printemps, elle trahit ses promesses de sortir de la “logique saisonnière”, qui veut que les centres d’hébergement ferment dès que les températures remontent, et de renforcer le dispositif.

A la fin de la manifestation, une travailleuse sociale du Sleep-In prend la parole pour mettre en lumière l’incohérence et l’inaction du conseil communal.

Si les habitant·xes de la Borde sont expulsé·xes, iels devront se tourner vers un hébergement d’urgence comme le Sleep-In. […] Ce n’est pas une alternative acceptable. Les hébergements d’urgence à Lausanne refusent déjà des dizaines de personnes chaque soir, […] et les conditions d’accueil y sont catastrophiques.”

Travailleuse sociale du Sleep-In, Discours à la Riponne le 24 février 2024

Elle rappelle aussi qu’un rapport mandaté par le canton préconise de mettre en place des dispositifs tels que la Borde 47 et qu’il est d’autant plus irresponsable de vouloir y mettre fin.

[La Borde] a permis à de nombreuses personnes de retrouver stabilité et dignité: il est incompréhensible et inacceptable de vouloir évacuer ces 80 familles alors que ce projet montre qu’il fonctionne.

Travailleuse sociale du Sleep-In, Discours à la Riponne le 24 février 2024

Sur ces mots dénonciateurs, la manifestation se dissipe, les habitant·xes de la Borde y retournent peut-être, mais ne savent pas combien de temps iels pourront encore rester au chaud. Si iels se font expulser, nous savons ce qui les attend: un dispositif d’hébergement d’urgence saturé, des familles séparées, des nuits et des journées interminables dans la rue. Il est plus urgent que jamais de rappeler à nos conseiller·xes municipaux·ales que selon la Constitution vaudoise.

Toute personne dans le besoin a droit à un logement d’urgence approprié et aux moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine

Constitution vaudoise​2​

Finir l’année scolaire à tout prix
Les Jeunes POP sont en contact direct avec les habitant·xes de la Borde et servent de pont entre elleux et la Ville pour faire monter leurs revendications. Contacté après la manifestation, un des organisateurs souligne le fait que leur priorité absolue est de permettre aux enfants de finir l’année scolaire. Il explique aussi qu’il existe un flou juridique autour de la date d’expulsion, qui avait été communiquée aux habitant·xes de la Borde, mais qu’aucun avis d’expulsion prononcé par un juge n’avait été signé.


  1. 1.
    Kabacalman S. Un avenir incertain pour 80 Roms . Le Courrier. https://lecourrier.ch/2024/02/18/un-avenir-incertain-pour-80-roms/. Published February 18, 2024. Accessed February 25, 2024.
  2. 2.
    Le Peuple du C de V. Constitution Du Canton de Vaud.; 2003.

Crédit Photo: Domaine public

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *