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Divers Reportage

Lutte biologique contre la prolifération de Halyomorpha halys

Texte écrit dans le cadre de la SHS Enjeux Mondiaux Climat.

Auteur·ices: Cholin Anicia (SIE), Rouault Corentin (SIE), Steiner Maxime (SIE), Toutel Emma (SIE), Sterchi Jean-Baptiste (MA)

Problématique de l’invasion de la punaise marbrée en Suisse

La punaise marbrée (Halyomorpha halys), originaire d’Asie de l’Est et présente en Suisse depuis 2007​1​, est un insecte invasif. Sa prolifération est préoccupante, car cette espèce, très polyphage, cause d’importants dégâts à l’agriculture, notamment aux fruits​2,3​. D’après Fruit-Union Suisse, ces coûts auraient dépassé les 3 millions de francs en 2019​4​. Le réchauffement climatique attendu en Suisse aggravera fortement la situation en allongeant la période d’activité de la punaise et en étendant significativement son aire potentielle de répartition, tant en surface qu’en altitude​5​. Selon le scénario climatique A2 du modèle CLIMEX, 63% du sol suisse deviendrait favorable à son développement d’ici la fin du siècle, contre 23% sur la période de référence 1981-2010​5​, et le nombre de générations annuelles passerait d’une à deux actuellement à trois voire quatre dans certaines régions​5​. La lutte contre ce ravageur est notamment rendue difficile par sa résistance aux pesticides​3​.

Guêpe samouraï à la rescousse

Pour remédier à ce problème, une méthode de contrôle biologique par l’introduction d’une guêpe parasitoïde s’attaquant aux oeufs de la punaise, Trissolcus japonicus, ou guêpe samouraï, peut s’avérer efficace​6​. Cet ennemi naturel de H. halys, également originaire d’Asie de l’Est – où les taux de parasitisme de la punaise par la guêpe atteignent jusqu’à 90 %​7​ – est capable de s’adapter aux évolutions de température​3​ et pourrait être une bonne solution sur le long terme. La guêpe est déjà présente sur le territoire Suisse​7​, mais pas en assez grand nombre pour limiter suffisamment la reproduction de la punaise. En 2020, l’OFAG et l’OFEV ont autorisé un essai de dissémination de guêpes samouraï dans un champ par des chercheurs de l’Agroscope​8​. Un monitoring efficace de cet essai permettra d’évaluer la possibilité pour T. Japonicus de s’installer durablement comme ennemi de H. halys dans les conditions climatiquessuisses​1​. Des recherches sur les conditions optimales d’élevage des guêpes sont également en cours​6​.

Enjeux liés à l’introduction de Trissolcus Japonicus

Dr. Tim Haye, chercheur en contrôle biologique pour CABI, assure que la guêpe parasitoïde ne représente aucun danger pour la santé humaine​1​. Concernant la biodiversité locale, des risques de parasitisme d’espèces de punaise natives pourraient éventuellement survenir, mais cela dépendra de nombreux facteurs​7​. Légalement, l’introduction volontaire de spécimens de T. japonicus ne peut être autorisée qu’après une étude approfondie des risques qui viennent d’être évoqués (ODE, article 15​9​). D’un point de vue économique, il faut également s’assurer que le coût des disséminations de cette guêpe (élevage en labo, etc.) soit inférieur au coût des dommages causés par H. halys sur l’agriculture. Dans cette optique, financer dès aujourd’hui la recherche permet de réduire considérablement les coûts futurs qui, rappelons-le, seront fortement amplifiés par le réchauffement climatique. La mise en place technique consiste en des lâchers réguliers et en un suivi de l’évolution des populations grâce au monitoring. En parallèle, la recherche doit permettre de maximiser les taux de parasitisme. Notons que T. japonicus est aussi vulnérable à certains pesticides et cela pourrait nuire à l’efficacité de cette solution​10​. Rappelons enfin que le choix de la lutte biologique au lieu d’une lutte phytosanitaire utilisant des insecticides ou des pesticides représente une vraie opportunité de tendre vers une agriculture plus durable et entre dans la volonté politique suisse de limiter leurs usages.

Crédit image: Oregon State University, CC BY-SA 2.0

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