“Vous avez dit communisme ?” – Conférence de Unipoly avec Frédéric Lordon

En juin 2022, Unipoly a invité Frédéric Lordon dans le cadre du Cycle de Conférences d’Alternatives au Capitalisme, co-organisé avec six autres groupes dont Le Courrier et la Grève du Climat. Toutes les conférences sont par ailleurs filmées et rediffusées sur la chaîne YouTube de l’Espace Dickens, dont la dernière “Autogestion et Planification Écologique” avec Benoît Borrits et Cédric Durand^​*​. 

Economiste de formation, désormais philosophe, Lordon dresse une critique sociale et écologique du capitalisme qu’il articule avec une proposition politique forte qu’il n’hésite pas à nommer : le communisme. Ce court article vise à revenir sur quelques points clés de la conférence et à proposer quelques références complémentaires évoquées durant cette dernière. Nous vous invitons vivement à visionner la conférence que vous pouvez trouver ci-dessous :

Le capitalocide contre l’anthropocide

Selon Lordon, l’écologie est fondamentalement incompatible avec le capitalisme. L’écocide en cours est capitaliste ; la responsabilité pour la situation actuelle n’incombe pas à l’anthropos, soit aux humains de manière indifférenciée comme le laissent entendre les grands discours sur l’Anthropocène. Au contraire, celle-ci repose sur le capitalisme du fait de la contradiction fondamentale entre le projet d’accumulation du capital et, par extension, de croissance infinie sur une planète aux ressources finies. Or “il n’y a pas de solution capitaliste à l’écocide capitaliste”, proclame Lordon : le solutionnisme technologiques sur lequel se basent le Green New Deal et la géo-ingénierie ne proposent rien d’autre que ce qu’une “rotation du désastre” comme l’exemplifie bien Hélène Tordjman^​1​. Se réappropriant le slogan TINA, il avance :  “pour éviter l’anthropocide, il faudra le capitalocide : il n’y a pas d’alternative”^​2​. 

Pour Lordon, le néolibéralisme ne s’intéresse qu’à l’individu, il est alors naturel que quand celui-ci cherche à parler de la crise climatique, il s’intéresse d’abord au ressenti des individus face à la crise climatique. Le discours sur “l’éco-anxiété”, largement repris par les grands médias, illustrent la tendance à psychologiser et par conséquent à dépolitiser l’écocide en cours. Au contraire, Lordon nous rappelle que nous ne sommes pas face à un péril dont les causes sont inconnues (bien que souvent invisibilisées). À partir du moment où l’on comprend le système causal (le capitalisme étant la cause de l’écocide) et les conséquences qui en découlent (à savoir dépasser le capitalisme), il postule : “ne soyez plus éco-anxieux, soyez éco-furieux”.

La proposition communiste 

Se distançant des termes tels que écosocialisme endossés par des penseurs comme Michael Löwy^​†​ (voir conférence du 12 mai 2022, “écosocialisme ou catastrophe”) qu’il trouve trop vague et dévoyable, Lordon, dans la foulée du sociologue Bernard Friot^​3​, insiste également sur l’importance de sortir de la négativité impliqué par tous les préfixes accolés au capitalisme (alter/anti/post). Il postule la nécessité de rejoindre la positivité d’une proposition au sens politique le plus haut, à savoir le communisme, défini comme la souveraineté des producteurs sur la production, et qu’il conçoit comme une proposition de transformation du mode de production et de l’organisation sociale d’échelle macro-sociale passant par une refonte du système institutionnelle. Il envisage notamment cette refonte par la mise en place de mesures développées par Bernard Friot de système de caisse économique organisant le subventionnement de la production, associé à un salaire à vie visant à découpler la rémunération de l’activité professionnelle^​‡​. 

Au-delà de la transition et de la révolution

Or, “le capitalisme ne rendra pas les clés gentiment”^​4​. Lordon s’attache à réhabiliter la notion de néo-léninisme pour signifier la nécessité d’une confrontation décisive avec le capitalisme, en se distançant toutefois de l’idée d’un parti d’avant-garde et d’une révolution venant d’en haut. Il réfute également les stratégies gradualistes comme le défend par exemple Murray Bookchin^​5​ selon lequel de plus en plus d’enclaves communalistes (tel des ZAD) se mettraient en réseau et à elles seules en viendraient à surmonter le capitalisme sans résistance aucune de ce dernier. Toutefois, Lordon soutient la nécessité de gradualisme dans les processus de maturation amenant à une confrontation décisive pour amener le plus grand nombre à être gagné par cette idée là et la soutenir. Pour Lordon, le communisme n’a jamais eu lieu, il est à venir, et il est l’heure de le re-positionner comme alternative sur les devants de la scène politique. 

En complément, nous vous proposons une liste de références à cette conférences, dont certaines furent directement mentionnées par Lordon durant la conférence : 

• Bernard Friot et Frédéric Lordon (2021). En travail: conversations sur le communisme. Paris : La Dispute.
• Bernard Friot et Frédéric Lordon (Novembre 2021). “Le communisme, le vrai c’est à partir d’ici et maintenant”. Le Média. https://www.youtube.com/watchhttps://www.youtube.com/watch?v=2_kaRuDNdno&t=458s?v=2_kaRuDNdno&t=458s&ab_channel=LeM%C3%A9dia
• Frédéric Lordon (Juillet 2022). “There is no alternative”. Les blogs du Monde Diplomatique : “La Pompe à Phynance” https://blog.mondediplo.net/there-is-no-alternative
• Frédéric Lordon (Novembre 2019). “Le capitalisme ne rendra pas les clés gentiment”. Les blogs du Monde Diplomatique : “La Pompe à Phynance” https://blog.mondediplo.net/le-capitalisme-ne-rendra-pas-les-cles-gentiment
• Hélène Tordjman (2021). La croissance verte contre la nature: critique de l’écologie marchande. Paris : La Découverte.
• Usul (Juillet 2022). “React : Lordon avec Bolchegeek ‘Vous avez dit communisme’” https://www.youtube.com/watch?v=heC1EOdpBcc&t=8249s
• Stéphane Foucart (Mai 2022). “Climat : ‘Certaines des technologies envisagées pour maintenir habitable la Terre relèvent du cauchemar’”. Le Monde. https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/29/climat-certaines-des-technologies-envisagees-pour-maintenir-habitable-la-terre-relevent-du-cauchemar_6128066_3232.htm