Le jeudi 5 mars 2020, dans le cadre de la Semaine de la Durabilité, se tenait à l’Université de Lausanne une conférence donnée par Mireille Bruyère, membre des Economistes Atterrés.
Nous vous proposons donc cette conférence en rediffusion vidéo, en espérant qu’elle suscitera chez vous autant d’intérêt qu’elle en a suscité chez nous.
En complément de la vidéo – et parce que ces temps de quarantaine sont propices à la lecture – nous avons choisi de vous proposer une série de recommandations de textes économiques, politiques ainsi que d’oeuvres de fiction pour approfondir, remettre en question et plus généralement penser les thématiques abordées par la conférence.
Sur l’histoire de la pensée économique et du capitalisme
L’introduction du Capital au XXIème siècle de Thomas Piketty
Si le Capital au XXIème siècle de Piketty est un ouvrage dense – du haut de ses 970 pages – les 60 premières pages d’introduction synthétisent bien la périodisation de l’histoire du capitalisme que Mireille Bruyère introduit au début de sa conférence, du libéralisme d’avant-guerre aux Trentes Glorieuses, puis à l’ordre néolibéral contemporain. C’est une introduction accessible aux plus grands courants de la pensée économique et à l’évolution de la pensée dominante dans ce domaine.
Depuis sa publication en 2013, le capital au XXIème siècle à été vendu à plus de 600’000 exemplaires, il y a donc de bonnes chance que vous ou l’un de proches en possède déjà un, c’est avant tout pour cette raison vous conseillons de vous (re)plonger dans sa lecture.
Traité d’économie hérétique de Thomas Porcher
En guise d’introduction aux concepts principaux maniés par les économistes contemporain·e·s, nous recommandons le Traité d’Économie Hérétique, de Thomas Porcher. Sorte de dictionnaire critique de la pensée économique contemporaine et de ses “vérités” – “‘impôt sur la fortune fait fuir les riches”, “un code du travail plus souple crée de l’emploi”, “la dette publique est un danger pour les générations futures” – le traité invite à s’intéresser à l’économie et à reprendre la bataille des idées. Si Porcher n’est ni un décroissant ni un anticapitaliste, il est sans aucun doute un penseur critique et un excellent vulgarisateur, et l’idée centrale de son ouvrage – selon laquelle l’économie n’est pas une science exacte, mais un champ de bataille politique qui devrait être pensé et débattu par tous·tes – est une thèse à laquelle nous adhérons pleinement.
Sur la croissance et l’impossibilité du découplage
Produire plus, polluer moins : l’impossible découplage ? de Gaël Giraud, Thierry Caminel, Philippe Roman
Le découplage est une notion absolument capitale lorsqu’on aborde la question de la décroissance – en effet pourquoi envisager la décroissance si une croissance écologique est possible ? Cet ouvrage collectif, clair, concis et lisible s’attache à apporter des éléments de réponse à cette question.
Les faits et les concepts exposés dans l’ouvrage – notamment le lien entre la croissance du PIB et la croissance de l’utilisation d’énergie primaire – sont essentiels à la compréhension de la décroissance comme programme économique. Car derrière la timidité de la question (le découplage est-il possible) se cache une problématique existentielle : “l’humanité pourra-t-elle se survivre à elle-même ?”.
L’insoutenable productivité du travail de Mireille Bruyère
Proposer des ouvrages pour approfondir et penser les thèmes de cette conférence sans aborder un livre écrit directement par son intervenante aurait été absurde. Dans l’Insoutenable Productivité du Travail, Mireille Bruyère aborde la question de la croissance à travers le prisme de la productivité. Comme concept, comme dogme et comme cause première de cette croissance dont il nous faut nous défaire.
Elle y affirme que l’ennemi n’est pas seulement le néolibéralisme mais bien le mythe de la productivité et la foi en ses promesse d’abondance. Elle propose donc de rejeter non seulement le capitalisme, mais aussi l’économie comme science de l’efficacité productive.
De la construction de l’alternative
Il est où, le bonheur ? de François Ruffin
Comment arrêter l’engrenage, sortir de la machine néolibérale, réapprendre penser hors cadre que notre société impose. Et surtout par où commencer ? C’est ces questions que Ruffin pose, Il est où, le bonheur c’est le rappel que l’écologie libérale n’a d’écologique que le nom et c’est une invitation à construire une écologie sociale, solidaire, une écologie de classe qui s’attache au bien être de tous·tes.
François Ruffin est député et journaliste et c’est peut-être parce qu’il est député – qui refuse d’être payé plus que le SMIC – que ses écrits méritent d’être lus, parce qu’il a une compréhension profonde de la démocratie libérale et parce qu’il sait que seul la construction d’un rapport de force peut amener notre système économique à modifier réellement sa structure.
Pour un municipalisme libertaire de Murray Bookchin
Si le marxisme s’est imposé comme principale force d’opposition à la machine capitaliste tout au long du XXème siècle, c’est peut-être le municipalisme libertaire qui servira de modèle aux révolutions du XXIème. Des kurdes du Rojava aux grévistes du climat suisses nombreux sont celles·eux qui s’inspirent ou se réclament des idées de Bookchin.
Programme politique parfaitement adapté à une perspective décroissante, le municipalisme libertaire préconise de réduire l’échelle du politique du national au municipal, de construire la résilience, l’autonomie et la démocratie à l’échelle locale. Pour un municipalisme libertaire, constitue une brève introduction (60 pages) à la pensée de Murray Bookchin.
L’imaginaire comme territoire de lutte
L’institution de l’imaginaire dans la société de Cornelius Castoriadis
En conclusion de sa conférence, Mireille Bruyère aborde le sujet de l’imaginaire – tel qu’il est conceptualisé par Cornelius Castoriadis. Cette notion, elle est développée dans l’institution de l’imaginaire de la société une oeuvre qui se situe quelque part entre le champ de la psychanalyse, de la politique et de la philosophie.
Ecotopia, Ernest Callenbach
En 1999, trois états du nord des Etats-Unis font sécession et fondent Ecotopia, pays entièrement gouverné par des lois écologiques, respectueuses de l’environnement et des individu·e·s. Après sa création, ses frontières restent fermées et le pays s’isole totalement. Plusieurs décennies plus tard, les Ecotopien·e·s ouvrent leurs portes pour la première fois à un journaliste américain. Il décrit le monde qu’il découvre dans les dépêches qu’il envoie à un média américain ainsi que dans le journal intime qu’il tient.
L’univers écotopien est décrit comme décentralisé, axé autour de l’éco-construction ainsi que d’autres mesures mettant au premier plan tant la nature que le respect des citoyen·ne·s qui vivent en harmonie avec celle-ci.
Ce récit utopique apporte une perception du futur plus positive que la majorité dystopique des ouvrages de science-fiction, et contribue à enrichir notre imaginaire collectif, étape nécessaire pour repenser notre société.
L’EFFONDREMENT, Les Parasites
Les Parasites est un collectif ayant réalisé plusieurs courts-métrages de fiction traitant majoritairement des problématiques d’ordre psychologique et social auxquelles notre société fait actuellement face.
Dans leur mini-série L’EFFONDREMENT, chaque épisode traite d’une facette différente de l’effondrement futur que nous risquons de connaître au vu de la situation climatique actuelle, et la manière dont les différents groupes de personnes seront touchés.
Le genre utilisé ici est celui de l’anticipation, et il partage le même but que la science-fiction et le récit utopique : comprendre nos réactions face à une situation de crise et les moyens dont nous disposons pour éviter cette dernière.
Nous vous conseillons donc de vous plonger dans cette série filmée avec originalité et dont la vraisemblance est troublante, ainsi que le court-métrage Jeu de Société pour développer une critique notre démocratie.
Esma Boudemagh & Titouan Renard