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Le rewilding

Le canard huppé n’est pas qu’un journal repère de militant.e.s gaucho-écolo. Non non !!! Nous souhaitons que toustes les étudiantEs puissent se sentir légitime à partager leurs écrits et s’exprimer ici. C’est pourquoi, quand les responsables du cours de Enjeux Mondiaux: Climate nous ont contacté pour proposer une publication des meilleurs travaux qui ressortent du cours, nous avons trouvé ce partenariat des plus réjouissants, d’autant plus qu’ils apportent une approche scientifique inédite. Les articles publiés ici sont donc directement issus des rendus des étudiants en propédeutiques pour leur cours de Enjeux Mondiaux. Nous vous invitons à initier une discussion dans l’espace commentaires et pourquoi pas aussi à publier des articles revisités de vos travaux en lien avec l’écologie et la durabilité.

La rédaction du Canard huppé

La dégradation des écosystèmes naturels est intimement liée aux changements climatiques actuels. D’une part, ces derniers bouleversent une biosphère dont la capacité d’adaptation est déjà diminuée par l’impact de l’homme, et d’autre part, la destruction des différents biomes (par exemple de la forêt Amazonienne) est elle-même responsables d’une partie des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit donc d’enrayer ce cercle vicieux. Mais peut-on se borner à protéger les derniers refuges de la vie sauvage ? Non, car à l’heure de l’Anthropocène la majorité des écosystèmes ont été perturbés par l’homme. Son influence a déjà remodelé 97% de la surface du continent européen. Il faut alors une solution dynamique grâce à laquelle la nature puisse retrouver sa force d’adaptation.

Le rewilding ou réensauvagement consiste à réintroduire dans un milieu les espèces jouant un rôle capital qui en ont disparu, ou d’autres occupant la même niche écologique si les premières se sont éteintes, afin de rétablir l’équilibre de l’écosystème, ses cycles trophiques et de le rendre plus résistant. Mais la réinsertion d’une espèce a-t-elle un réel effet sur l’environnement ? Et si oui, à quelle échelle faut-il appliquer le rewilding pour obtenir des résultats significatifs ?

Le rewilding a souvent des effets en cascade sur la faune, la flore et sur certaines caractéristiques abiotiques de l’écosystème. Au parc naturel du Yellowstone, il a par exemple été constaté que le retour du loup, en régulant les populations des grands herbivores et en modifiant leurs comportements a réduit le surpâturage aux abords des rivières. Les essences pionnières telles les peupliers et les saules ont alors recolonisé les rives des cours d’eau, permis la réapparition du castor ainsi que de certains oiseaux et diminué l’érosion. Certes, les effets du rewilding dans des régions densément peuplées comme en Europe sont moindres, car les espaces disponibles sont plus restreints et les populations locales ne sont pas toujours prêtes à les partager avec des animaux sauvages, mais la biodiversité s’en trouve néanmoins renforcée.

Beaucoup de projet de réensauvagement s’intéressent au retour de la mégafaune terrestre, car étant donné la capacité de ces espèces à se déplacer sur de longues distances, elles accélèrent d’autant plus certains cycles trophiques comme les flux de nutriments. Mais le rewilding s’applique aussi à d’autres espèces, tels que les saumons qui en remontant les fleuves permettent les échanges d’azote entre terres et océans et contribuent ainsi à la croissance des plantes.

Réensauvager des terres exploitées par l’homme prend du temps et parfois beaucoup d’argent suivant la taille et la disponibilité des espèces cibles. Il arrive d’ailleurs que celles-ci se soient éteintes. Il faut alors essayer de les recréer, c’est le cas de l’aurochs, ou de leur trouver un équivalent occupant la même niche écologique.

Le rewilding opère également un changement de paradigme en considérant les animaux non plus comme de simples hôtes d’un milieu, conditionnés par ses réserves en nourriture, mais comme de véritables architectes de leur environnement. C’est ainsi que le potentiel du bison et du cheval, respectivement pour agrandir et entretenir les paysages de prairie, a été reconnu dans une étude publiée par la Royal Society. Ces chercheurs proposent leur réintroduction en Yakoutie pour lutter contre la fonte du permafrost qui menace de relâcher de grandes quantités de GES.

Ainsi, le rewilding permet non seulement de reconstruire la biodiversité mais aussi, à travers les liens qui unissent la biosphère à la lithosphère ou à la cryosphère, de résoudre de multiples autres problèmes. Toutefois l’ampleur des conséquences peut s’avérer dangereuse, car il est extrêmement difficile de prévoir les répercussions exactes du retour d’une espèce disparue. La prudence est donc essentielle afin de ne pas bouleverser encore davantage un écosystème déjà fragilisé.

Yannis Ulrich, Ludovic Rais, Younous Maillefer, Gaétan Membrez et Edgar Aellen

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